03/06/2024

Fin de vie : que prévoit le projet de loi ?

Les députés étudient depuis le 27 mai le projet de loi Fin de vie, examiné préalablement par une commission spéciale. Décryptage du Dr Pascale Morinière, présidente des AFC.

Le projet de loi Fin de vie est à la fois le modèle de l’Oregon (suicide assisté) et le modèle belge (euthanasie) mais en évitant les mots euthanasie et suicide pour ne parler que « d’aide à mourir ».

Il ne s’agit pas « d’aider à mourir » mais de « faire mourir ».

A qui s’adresse l’aide à mourir ?

« L’aide à mourir » s’adresse :

  • aux personnes majeures,
  • de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France ,
  • atteintes d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme dans le projet initial mais, désormais, une affection en phase avancée ou terminale, sans que le pronostic vital soit engagé.
  • Présentant une souffrance physique, accompagnée éventuellement d’une souffrance psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ou a choisi d’arrêter d’en recevoir,
  • aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée.

La loi inclut un soutien aux soins palliatifs mais sans chiffrage précis et avec un droit opposable à l’accès aux soins palliatifs.

 

Que prévoit ce projet de loi ?

Un point positif est à noter dans ce projet de loi : la création d’un droit opposable à l’accès aux soins palliatifs par la commission spéciale. La mise en place de « l’aide à mourir » devait être encadrée avec des critères dits « stricts ». Pourtant les critères initiaux ont été transgressés dès l’examen par la commission spéciale.

  • Le projet de loi ne prévoit pas de décision collégiale pour accepter une demande d’aide à mourir, mais une concertation avec un autre médecin qui n’est pas tenu d’examiner le malade et, éventuellement avec des professionnels de santé.
  • Le texte autorise de fait le suicide ou l’euthanasie dès l’annonce d’une maladie grave et incurable. Le patient peut refuser le traitement et arguer de souffrances physiques, et éventuellement psychiques insupportables, dès l’annonce de la maladie. Le critère de phase avancée ou terminale est suffisamment flou pour concerner toutes les maladies.
  • Chaque suicide assisté est potentiellement une euthanasie du fait de la présence d’un soignant pour injecter « une dose de sécurité », si nécessaire, et surtout du libre choix pour le patient d’opter entre un suicide assisté ou une euthanasie.
  • La famille a la possibilité de participer au geste létal.
  • Aucun lieu n’est défini et encadré pour l’aide à mourir qui peut avoir lieu « en dehors du domicile ».
  • Aucune prise en compte de l’ambivalence des patients n’est prévue. Le délai de 48 heures pour la réitération de la demande du patient peut être abrégé et 15 jours maximum sont attendus pour la réponse.
  • Ce projet de loi contrevient au code de déontologie des médecins (article 38), « le médecin n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». Cette même interdiction figure dans le code de déontologie des infirmiers (article 21)
  • Le texte ne prévoit pas de clause de conscience pour les pharmaciens qui seront tenus de délivrer le produit létal, ni de clause de conscience par établissement.
  • Enfin, le projet de loi ne prévoit aucune d’interdiction de proposer la mort, ni de délit d’incitation au geste létal mais la création d’un délit d’entrave à l’aide à mourir.

Pourquoi les AFC s’opposent-elles à l’aide à mourir ?

Souffrances 

Aujourd’hui, les progrès de la médecine permettent de soulager les souffrances les plus réfractaires. Les soignants de soins palliatifs témoignent que lorsque les patients sont bien pris en charge, ils ne veulent pas ou plus être euthanasiés. L’euthanasie et le suicide assisté ne suppriment pas la souffrance mais le patient.

Liberté

Il est faux de dire que ce serait une liberté pour les uns qui ne change rien pour les autres. Nous devrons tous nous demander s’il n’est pas temps de partir plus vite pour ne pas peser sur notre famille, ne pas coûter trop cher à la sécurité sociale, ne pas être un poids pour les soignants. Les médecins feront-ils encore le maximum pour nous soigner ou nous sauver ? Laisserons-nous mourir les personnes qui tentent de se suicider au nom de la liberté ? Visiter, entourer, accompagner ses proches sans jamais les abandonner, c’est la base de la solidarité.

Progrès

L’interdit de tuer est le repère fondamental de notre société. C’est la marque des sociétés démocratiques modernes. C’est pour cela que la peine de mort a été abolie en 1981. L’euthanasie et le suicide assisté ne sont pas un progrès mais une régression sociale.

Business

Qui peut croire qu’on développera les soins palliatifs en même temps qu’on légalisera l’euthanasie et le suicide assisté ? Il sera moins cher d’injecter un produit pour supprimer le patient que de mobiliser toute une équipe pour prendre en charge ses besoins physiques, psychologiques, humains. Les mutuelles le savent, elles sont favorables à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.

Dérives

Tous les pays qui ont ouvert l’euthanasie ou le suicide assisté sous conditions n’ont cessé de les élargir. En Belgique, en 20 ans, les euthanasies ont été multipliées par 10. Des mineurs, des personnes dépressives ou âgées, des détenus sont euthanasiés. Au Canada, ce sont aussi des personnes handicapées ou sans domicile fixe et aux Pays-Bas des personnes autistes. Le modèle de « fin de vie à la française » ne fera pas exception, les dérives sont inévitables dès que l’interdit de tuer est levé.

 

 

Ce que les AFC demandent

Chaque jour, 500 personnes meurent sans bénéficier des soins palliatifs. (A titre de comparaison, par année, 100 Français vont se faire euthanasier en Belgique et 50 vont se suicider en Suisse pour 631 000 décès annuels).

Nous demandons le développement des soins palliatifs à la hauteur des besoins réels avec la création d’un droit opposable à l’accès aux soins palliatifs. 1,1 milliards en plus sur 10 ans, c’est 1100 000€ par an, très en deçà de ce qui serait rapidement nécessaire pour ouvrir des services de soins palliatifs dans 20 départements supplémentaires et alors que la loi sur la fin de vie serait votée dès 2024.

Nous demandons aux députés de voter CONTRE ce projet de loi.

Contre l’euthanasie, les AFC agissent

  • Les souffrances cachées de l’euthanasie : un documentaire inédit a été tourné par les AFC auprès de personnels soignants en Belgique
  • Fin mars 2024, les AFC ont rencontré la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, afin de présenter le documentaire au Sénat
  • Ensemble pour la Vie : c’est le site lancé par les AFC qui permet d’écrire aux parlementaires sur le sujet de la fin de vie
  • En mai 2024, la mairie de Paris annule son affichage faisant la promotion de l’euthanasie suite au référé liberté initié par les AFC
  • Les AFC ont soutenu le tractage organisé par Faim2Vie, l’association des conventionnels opposés à toutes formes d’euthanasie
  • Début avril, la Confédération nationale a envoyé les livrets La fin de vie en question aux députés pour qu’ils se posent les bonnes questions au moment des débats dans l’hémicycle.
  • Une lettre signée par 44 médecins a été envoyée au Conseil national de l’Ordre des médecins, pour lui demander une position ferme sur l’aide à mourir.

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