09/06/2022

La confiance, clef de l’aventure parentale

Une mère et d’un père de famille témoignent pour les AFC de leurs propres tâtonnements et des ressources qu’ils ont trouvées dans leur mission de parents.

Nombreux sont les parents pétrifiés devant la grandeur de leur responsabilité de parents. Témoignage d’une mère et d’un père de famille qui confient leurs propres tâtonnements et les ressources qu’ils ont trouvées dans leur entourage, dans leur foi et grâce aux Chantiers-Éducation.

Qui sont-ils ?

Bénédicte Boudineau vit à Nantes (44). Elle est mère de six enfants de 19 à 30 ans. Après avoir participé à des Chantiers-Éducation, elle en est la référente nationale.

Baptiste Jore vit à Chevreuse (78). Il est père de six enfants de 4 à 18 ans. Son épouse est responsable au sein des Chantiers-Éducation.

Être parent, est-ce que ça s’apprend ?

Bénédicte Boudineau – Ce sont nos enfants qui font de nous des parents. Dès leur naissance, on peut se sentir limité, imparfait, fragile. Et pourtant, nous sommes pleinement légitimes. Être parent est une aventure, avec ses joies, ses inquiétudes et ses questionnements. La clef, c’est de se faire confiance. Les Chantiers-Éducation nous insufflent cette confiance en filigrane. Je n’aurais peut-être pas dit la même chose si je n’avais pas fait cette  expérience.

Baptiste Jore – On a quand même quelques modèles parentaux dans notre inconscient, qui peuvent nous aider. Mais d’âge en âge, de nouvelles problématiques surviennent, de nouvelles décisions s’imposent. Pour ma part, je pars du principe que si je suis de bonne volonté et me remets en question régulièrement, je ne sais pas si je prendrais la meilleure décision, mais au moins j’aurai essayé. Cela donne une certaine assurance, d’autant que j’ai découvert qu’il n’y a pas forcément de bonne ou de mauvaise décision. Il y a une question précise avec tel enfant, à tel moment, dans telle circonstance. On voit bien justement dans les Chantiers qu’avec les mêmes valeurs, la même volonté, les pratiques éducatives peuvent être radicalement différentes.

On trouve dans les livres, mais aussi sur Internet et les réseaux sociaux, une multitude de conseils ou de recettes d’éducation. Comment s’y retrouver ?

B.B. – Je trouve plus enrichissant de s’appuyer sur l’expérience de personnes, que ce soit nos parents, nos grands-parents ou des personnes déjà plus âgées. Les écouter et passer tout cela à la moulinette de ce que nous pensons nous-mêmes peut renforcer notre confiance et être une vraie aide. Personnellement, je trouve cela plus fort et plus riche que de s’appuyer sur des expériences lointaines ou théoriques. Pour autant, il est très important d’ancrer ces éclairages dans notre réalité propre.

B.J. – Je me suis rendu compte que beaucoup de livres et de préceptes restaient relativement théoriques. Concrètement, cela peut faire naître un sentiment d’impuissance quand on essaye de passer de la théorie à la pratique. Les bouquins peuvent nous donner envie, puis nous frustrer. Aux Chantiers, on s’échange des astuces très concrètes. La confiance en soi en ressort renforcée.

Quel regard et quelles attentes notre société a-t-elle sur les parents ?

B.B. – J’ai vraiment ressenti ces dernières années une injonction de plus en plus forte sur les jeunes parents à réussir l’éducation de leurs enfants. Je l’observe par exemple quand des mamans tout juste enceintes d’un premier enfant demandent à intégrer un Chantier-Éducation. Cette pression se retrouve dans tous les domaines, professionnel, personnel et éducatif, et peut vraiment être angoissante.

B.J. – Je remarque aussi ce perfectionnisme ambiant. La leçon que  j’en tire pour moi, c’est qu’on a une obligation de moyens, mais pas de résultat. C’est beaucoup moins stressant. Nos enfants nous sont confiés par Dieu, on ne maîtrise pas tout dans leur vie et on fait ce qu’on peut. D’ailleurs, sur quelle base pourra-t-on se dire qu’on a réussi leur éducation ? Ce n’est jamais fini ! Si on revient à ce qu’on peut concrètement mettre en œuvre, on a au moins dans son for intérieur la paix et la satisfaction de se dire : « j’ai fait de mon mieux ».

B.B. – Ces injonctions peuvent ébranler la confiance en soi. Et les réseaux sociaux viennent encore parfois fragiliser les jeunes parents. J’ai en tête l’exemple d’une jeune femme qui se filme dans un coin de son salon arrangé en salon-témoin de magazine, alors qu’autour c’est le bazar. Cette pression de la réussite et de l’image peut même aller jusqu’au mensonge. On donne l’image attendue alors qu’elle ne correspond pas à la réalité. Les Chantiers aident à faire baisser la pression : dans un tel groupe, j’ai le droit d’être qui je suis, avec mes failles, mes faiblesses et mes forces.

B.J. – Oui, et cela rassure sur soi-même. C’est vrai que la pression ne vient pas que de la société au sens large, elle peut aussi venir de nos micro-sociétés, au sein même de notre milieu. Et il est précieux d’avoir des lieux où l’on est en vérité.

Comment garder confiance en sa capacité de parent quand on se sait limité, imparfait ou dans une situation conjugale ou familiale blessée ?

B.J. – Quelque part, le Christ m’éduque chaque fois qu’Il se relève de ses chutes au chemin de croix. Malheureusement, on tombe, c’est inévitable. Puis on se relève. Il est important que nos enfants aient conscience que nous sommes limités et qu’ils voient aussi comment nous réagissons pour suppléer à nos manques. Si, au contraire, on dresse un tableau parfait de nous-mêmes, ils l’autre sur la réalité et de tomber de haut ! Une image idéalisée de leurs parents peut leur imposer une pression énorme toute leur vie. En ce qui me concerne, mes limites étant assez visibles, je n’ai d’autre choix que de les revendiquer ! Pour cela l’humour aide, d’ailleurs.

B.B. – J’ai approfondi ma foi à l’école du Christ en tant que mère de famille, en contemplant ce regard de bienveillance, qui a confiance en nous au-delà de nos faiblesses. Il ne faut pas oublier que Jésus s’est appuyé sur des apôtres imparfaits. Auprès de nos enfants, nous sommes tour à tour de petits Christ et des apôtres « bras cassés » du Christ.

Notre époque nous enjoint aussi à une éducation bienveillante, positive. Mais n’est-il pas important aussi d’apporter un cadre ?

B.J. – Aimer, c’est aussi savoir dire non ! Je le vois bien avec ma petite dernière. Quand j’essaye de la cadrer davantage en la contrariant lors d’un caprice, il lui arrive un peu plus tard de venir me faire spontanément un gros câlin. Je me dis : « Elle attendait ce cadre ». En tant que père, ma question est aussi de savoir dans quel esprit je le pose ; est-ce qu’il est au service de mon confort – certes nécessaire par moments ! –, ou est-ce qu’il vise le bien de l’enfant ?

B.B. – Il existe effet et une certaine tendance de la pédagogie positive à exclure les cadres. Or, le cadre permet justement plus de liberté. Dans ce domaine, il y a eu un mouvement de balancier après une époque où le pater familias imposait ses règles. Nous-mêmes, nous pouvons passer d’un extrême à l’autre en fonction des périodes de la vie ou bien d’une même journée !

Comment avoir confiance dans  l’éducation que l’on donne à ses enfants quand les valeurs de la société vont à l’encontre des nôtres ?

B.B. – On peut avoir la tentation d’isoler nos enfants le plus longtemps possible, pour que le monde ne déteigne pas sur eux. Bien sûr, il y a un discernement à mener, en termes de gradation et d’âge des enfants. Avec mon mari, nous avons préféré élever nos enfants dans un dialogue avec le monde, tout en leur apportant une vision claire de l’anthropologie chrétienne, de la beauté de l’homme et de la femme. Cela a l’air très théorique, mais toutes les petites choses de la vie y sont propices. Face au bombardement de mensonges de la société, nous avons choisi d’abreuver nos enfants de bien, de beau et de vrai au maximum, pour leur permettre d’être armés et capables de discerner en grandissant.

B.J. – Comme papa – et j’assume ce côté genré ! –, je suis chargé de l’ouverture au monde de mes enfants. Une de mes préoccupations, c’est de m’assurer qu’ils aient envie de vivre dans ce monde. Ce ne serait pas responsable de les enfermer en leur disant  : « autour  tout est pourri ». Bien sûr, la question des écoles, des groupes scouts et des fréquentations est réelle. Elle est à réajuster systématiquement et avec chaque enfant. Par nos choix  l’établissements scolaires, de groupes scouts ou de camps de vacances, nous essayons de maintenir un équilibre entre  transmission de notre foi et de nos valeurs et ouverture au monde. En tous cas, j’essaye de leur montrer qu’il y a dans le monde beaucoup de gens qui ont des valeurs communes avec nous. Les gens croient en l’amour, au don, à la  générosité. Seulement, les moyens qu’ils emploient sont parfois dévoyés. Mais je veux que mes enfants cherchent le bien dans notre monde.

Est-on responsable de ce que deviennent nos enfants ?

B.B. – Quand nos enfants trébuchent ou ne prennent pas les chemins qu’on pense les meilleurs pour eux, on peut ressentir de la culpabilité. Il vaut mieux se demander ce qu’il nous appartient réellement de mettre en œuvre. Grâce à la prière des mères, j’ai trouvé un équilibre entre ce que je peux faire pour accompagner mes enfants et l’acte d’abandon que je pose dans la prière. Ce qui nous est demandé, c’est d’aimer nos enfants d’une manière inconditionnelle. Cela me fait aussi revisiter la relation que j’ai pu avoir avec mes parents.

B.J. – En voyant mes enfants grandir, je découvre qu’ils peuvent m’enrichir. Notre relation prend une forme d’échange. Chacun d’eux révèle une spécificité, une richesse intérieure ou un regard sur le monde intéressant. Mais tant qu’ils m’écoutent, je continue de leur donner mon point de vue. Ils appartiennent à une génération de jeunes qui va prendre le monde en main : j’ai envie de les suivre de  loin en leur faisant savoir qu’ils ont leurs ressources, leurs richesses et les grâces du Seigneur !

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