03/12/2022

Se détacher des biens matériels

Si la transmission fait partie de l’histoire des familles, l’Église rappelle que la propriété des biens matériels n’est pas un absolu.

Ce qu’en dit la Doctrine sociale de l’Église

« Gardez-vous de toute avidité »

Plutôt que de donner des conseils concrets en matière de transmission, le Magistère de l’Église rappelle que l’homme ne peut jamais considérer la propriété des biens matériels comme un absolu.

Ne cherchez pas dans la Doctrine sociale de l’Église comment organiser votre succession, vous n’y trouverez aucun mode d’emploi ! Dans l’évangile selon saint Luc, Jésus lui-même se garde bien de donner une réponse concrète : « Du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : “Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage.” Jésus lui répondit : “Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ?” Puis, s’adressant   tous : “Gardezvous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède.” » (XII, 13-15)

En revanche, ceux qui ont des biens à transmettre et leurs héritiers, trouveront dans le Magistère des pistes de réflexion quant à la juste attitude de tout propriétaire : « Dieu a destiné la Terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité », rappelle le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église (§171), selon le principe de la destination universelle des biens défendu par l’Église catholique qui « affirme à la fois la seigneurie pleine et entière de Dieu sur toute réalité et l’exigence que les biens de la  création demeurent finalisés et destinés au développement de tout l’homme et de l’humanité tout entière. » (§178) Dans sa réflexion sur la sauvegarde de la maison commune, l’encyclique Laudato Si’ du pape François rappelle que l’homme est le régisseur de la Terre plus qu’il n’en est le propriétaire : « Nous ne sommes pas Dieu. La Terre nous précède et nous a été donnée. […] Chaque communauté peut prélever de la bonté de la Terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité de sa fertilité pour les générations futures ; car, en définitive, “au Seigneur la Terre” (Ps 24, 1), à lui appartiennent “la Terre et tout ce qui s’y trouve” (Dt 10, 14). Pour cette raison, Dieu dénie toute prétention de propriété absolue : “La Terre ne sera pas vendue avec perte de tout droit, car la Terre m’appartient, et vous n’êtes pour moi que des étrangers et des
hôtes” (Lv 25, 23). » (§67)

Plus récemment, le pape François a blâmé la « cupidité » en commentant l’évangile cité plus haut, lors de la prière de l’Angélus, le 31 juillet dernier : « Combien de frères et sœurs, combien de membres d’une même famille, malheureusement, se disputent et ne se parlent peut-être plus à cause d’un héritage ! » Aux yeux du pape, la question dépasse les querelles individuelles : « La cupidité est aussi une maladie dangereuse pour la société : à cause d’elle, nous avons atteint aujourd’hui une injustice jamais vue auparavant dans l’histoire, où peu de personnes ont beaucoup et beaucoup ont peu ou rien. […] Jésus nous enseigne aujourd’hui qu’au cœur de tout cela il n’y a pas que des puissants, ou certains systèmes économiques : au centre il y a la cupidité qui règne dans le cœur de chacun. Alors, essayons de nous demander : où en suis-je avec mon détachement des possessions, des richesses ? […] Et, en revenant au thème de l’héritage, quel héritage est-ce que je veux laisser ? De l’argent en banque, des choses matérielles ou des gens heureux autour de moi, de bonnes œuvres qui ne sont pas oubliées, des gens que j’ai aidés à grandir et à mûrir ? »

Le billet spirituel

« Vous ne pouvez pas servir à la fois dieu et l’argent » (lc 16, 1-13)

L’un de ces derniers dimanches (25e dimanche du temps ordinaire), l’Église nous invitait à méditer sur la parabole du gérant malhonnête et habile. Cette parabole peut nous dérouter si nous croyons que Jésus nous invite à être malhonnêtes avec l’argent… Jésus ne donne pas la permission de frauder. Il continue la réflexion ainsi : « Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. celui qui est malhonnête dans la moindre  chose est malhonnête aussi dans une grande. »

Jésus fait l’éloge de l’habileté de ce gérant. Il a utilisé l’argent en le ramenant à sa vraie place, qui est de favoriser les échanges entre les personnes.

Dans la transmission des biens à ses enfants, il faut savoir discerner et dialoguer pour que ceux-ci ne se sentent pas lésés mais bien pris en compte, dans une vraie justice, une vraie justesse.

Pour cela, il est nécessaire d’anticiper, de prendre son temps et de s’entourer pour comprendre les possibilités juridiques et financières, afin de pouvoir s’en libérer et transmettre le plus équitablement possible.

Dans cette transmission, il ne faut surtout pas oublier que la transmission essentielle, c’est l’amour, et que cet amour vient de dieu.

Être le plus juste vis-à-vis de ses héritiers mais aussi vis-à-vis de notre regard et de notre pratique avec l’argent, c’est transmettre l’essentiel. Entre dieu et l’argent, il faut choisir.

P. Pierre Machenaud
Conseiller ecclésiastique de la fédération du Val d’Oise

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