12/01/2021

Regard chrétien sur la télémédecine

Que peut nous enseigner la Doctrine Sociale de l’Eglise sur la télémédecine ? Zoom sur les textes de l’Eglise au sujet de la médecine.

Le personnel de santé est semeur d’espérance

La télémédecine va virtualiser un peu plus les relations entre le médecin et son patient. Ce dernier entretiendra un rapport nouveau avec son corps et sa santé, qui peut avoir des conséquences sur sa dignité.

Une vision intégralement humaine

L’Église catholique s’est intéressée de près à ces problématiques, sans aborder directement la télémédecine. La Charte des personnels de la santé (Conseil pontifical pour la pastorale des services de la santé, 1995) précise que le diagnostic et le pronostic doivent être réalisés dans une « vision intégralement humaine et proprement chrétienne de la maladie » (§56). Pour cela, le professionnel de santé prendra à cœur les demandes et les anxiétés du patient, et se gardera d’un double écueil, celui de l’abandon et celui de « l’acharnement » (§57). « L’usage de techniques instrumentales envahissantes », en général, ne pose pas de problème d’ordre éthique. S’« il est ordonné au traitement, c’est un acte au bénéfice de la santé » (§58). Les difficultés se présentent dès lors qu’un ensemble de dispositifs techniques et d’appareils numériques très sophistiqués agissent contre la dignité du patient et le laissent à une grande solitude (saint Jean-Paul II, lettre encyclique Evangelium Vitae, §14-15). « Les techniques en soi ne sont pas mises en discussion, mais leur prétendue neutralité éthique. Tout ce qui est techniquement faisable ne peut être retenu moralement admissible » (Charte des personnels de la santé, §44).

Pour que la technique puisse être utilisée à bon escient, le personnel de santé doit tenir compte de l’intégrité de la personne humaine dans sa dimension à la fois physique, psychique, spirituelle, sociale… (saint Jean-Paul II, lettre apostolique Salvifici Doloris, 1984, 1-2). Le personnel de santé est semeur d’espérance. S’agissant de ses actions et initiatives, Benoît XVI parle d’« espérance en actes » : il faut tout offrir au malade pour qu’il ait l’espérance de la guérison, qui n’est que l’expression voilée de la soif du Salut (encyclique Spe Salvi, §36).

La dignité inaliénable de l’homme

La Doctrine sociale de l’Église, à la lumière du concile Vatican II, rappelle la « dignité inaliénable » de l’homme (Gaudium et Spes, §12). Cette dignité détermine toute sa vie sociale. Ses différents principes sont ainsi définis : « Aussi l’ordre et son progrès doivent-ils toujours tourner au bien des personnes, puisque l’ordre des choses doit être subordonné à l’ordre des personnes et non l’inverse » (Gaudium et Spes, §26).

L’homme est corps et esprit et non image du corps et de l’esprit. « C’est un être matériel, lié à ce monde par son corps, et un être spirituel, ouvert à la transcendance et à la découverte d’une “vérité plus profonde”, par son intelligence, grâce à laquelle il participe à la “lumière de l’intelligence divine” » (Doctrine sociale de l’Église, §129). L’unité est telle que l’âme finit par prendre la forme du corps (Catéchisme de l’Église catholique, §365). La complexité et la globalité de l’être humain supposent ainsi de ne pas généraliser la virtualisation de nos rapports sociaux.

Billet spirituel – Touche, tant que tu y es !

Une petite fille dans un musée. Elle s’approche d’une statue médiévale du Christ aux outrages. Fascinée, elle tend la main… surgit la gardienne du musée, furibonde :

– Touche, tant que tu y es !

Dans les musées, on regarde, on ne touche pas. Dans notre monde marqué par la pandémie et la peur du virus, on a perdu en quelques mois le réflexe du contact, du toucher. Saint Thomas d’Aquin affirme pourtant que le toucher est le sens qui nous transmet le plus sûrement la vérité : la caresse sent et dit tant de choses… Dans l’Évangile, on contemple, on écoute et… on touche. Pour être guéri, il faut toucher et être touché. Jésus thérapeute touche les aveugles, prend par la main la jeune fille dans le coma, met son doigt badigeonné de salive dans l’oreille du sourd. Les malades veulent toucher Jésus, comme la Syro-Phénicienne qui se glisse derrière Lui, touche simplement son manteau et hop : guérison ! (Mc 7, 24)

L’eucharistie est le lieu de notre communion et de notre guérison. C’est pourquoi nous devons toucher le Christ, mieux, le manger. Notre religion est la religion de l’Incarnation. Pas de communion sans expérience des sens ! L’Église, corps du Christ, ne peut se contenter d’une relation virtuelle. Il nous faut nous voir, chanter ensemble, échanger des gestes de paix… C’est seulement dans ces conditions que nous sommes les mains du Christ pour consoler, apaiser, guérir, entraîner. Refusons de devenir manchots ! Surtout, laissons-nous toucher par l’aile douce de l’Esprit Saint.

Par P. Philippe Verdin, conseiller ecclésiastique de la CNAFC

Partager cet article
Actualité

Ces articles peuvent vous intéresser

Télémédecine : privilégier la dimension humaine
Télémédecine : tout savoir sur cette pratique
La téléconsultation, entre craintes et délivrance