08/11/2023

Intervention de Gabriella Gambino devant les AFC

Voici l’intervention de Gabriella Gambino, sous-Secrétaire du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie.

Madame Morinière,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Merci pour cette invitation. Je vous transmets les salutations de notre Préfet, le Card. Kevin Farrell, qui, il y a seulement quelques jours de cela, participait à la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, qui s’est conclue par la publication d’un document qui nous encourage tous à continuer à avancer dans le processus synodal. L’Assemblée n’a pas été un événement isolé impliquant seulement quelques participants, mais fait partie intégrante de l’expérience d’une Église dont nous sommes tous appelés à être acteurs. En effet, par ces temps de grande complexité, l’Église est à la recherche de la meilleure façon de cheminer dans le monde de manière à faire germer les graines du Concile Vatican II en matière de participation et de coresponsabilité de tous les baptisés dans la mission.

Vous aussi, 118 ans après la naissance des premières Associations Familiales Catholiques, vous êtes réunis aujourd’hui pour discerner ensemble les prochaines étapes à entreprendre, afin que les 280 associations qui composent votre fédération puissent grandir dans leur mission, celle de créer les conditions nécessaires afin que la famille, et de manière particulière la famille fondée sur le mariage, soit une expérience de vie authentiquement chrétienne.

Et parlant précisément de votre mission, la troisième partie du Rapport de synthèse de l’Assemblée synodale1 porte un titre assez suggestif pour votre travail : “Tisser des liens, construire la communauté”. Voilà exactement ce que vous faites. Au point 10, c), on peut lire : “Le Peuple de Dieu reconnaît les ferments de renouveau présents dans les communautés qui ont une longue histoire et dans l’éclosion de nouvelles expériences d’agrégation ecclésiale. Les associations de laïcs […] sont un signe précieux de la maturité de la coresponsabilité de tous les baptisés. Leur valeur réside dans la promotion de la communion entre les différentes vocations, dans l’élan qu’elles donnent à l’annonce de l’Évangile, dans leur proximité avec les personnes en situation de marginalité économique ou sociale et dans leur engagement à promouvoir le bien commun. Ils sont souvent des modèles de communion synodale et de participation en vue de la mission”.

“Communion et synodalité”. Combien de fois avons-nous entendu ces termes ces derniers temps et combien de fois nous semblent-ils insaisissables. Mais si nous allons à la racine de ces mots, nous découvrons leur simplicité et leur immédiateté, la même simplicité et immédiateté qui caractérisent tout le message chrétien.

Le terme com-munion vient de co-munus, don. Le munus est le don baptismal à partager en tant que mission2. La synodalité renvoie au cheminement avec le Christ, un mouvement qui met en œuvre des processus et des réseaux d’organismes qui permettent l’échange de ce don entre les Églises et facilitent le dialogue avec le monde. En effet, grâce à vos associations, vous encouragez une démarche chrétienne dans les familles, vous maintenez la conscience d’une mission et d’une manière d’être et d’agir basée sur l’écoute mutuelle, le dialogue, le discernement communautaire et l’aide concrète aux plus nécessiteux.
Il y a quelques jours, au sein de la FAFCE, vous avez célébré le 40e anniversaire de la Charte des droits de la famille, publiée par l’ancien Conseil Pontifical pour la Famille, le 22 octobre 19833. Elle a été voulue par les Évêques du monde entier à la suite du Synode sur le thème “Les tâches de la famille chrétienne dans le monde d’aujourd’hui”. En effet, les Évêques avaient perçu l’urgence de réaffirmer un accord partagé sur certains droits et principes fondamentaux autour du concept de famille, à une époque de grande complexité et de confusion. Réaffirmer ces principes aujourd’hui est d’autant plus important, qu’à côté de l’urgence de mettre en place des initiatives spirituelles et pastorales pour accompagner et assister toutes les situations personnelles et familiales de souffrance et de pauvreté – non seulement matérielle, mais aussi relationnelle – il apparaît également urgent de commencer à travailler de manière plus décisive dans une optique de prévention : garantir les conditions minimales culturelles, économiques, sociales, morales et législatives nécessaires à renforcer la famille fondée sur le mariage, tant de l’intérieur et dans l’espace public ; consolider l’idée de la famille dans le cœur des jeunes appelés à former leur propre famille demain, et dans l’esprit des gouvernants, qui devront en être les gardiens.

Je me souviens toujours de ce passage d’Evangelium vitae, au numéro 90, dans lequel saint Jean-Paul II nous met en garde contre le risque que les lois contre la vie et la famille, entrées en vigueur dans tant de pays du monde au cours des trente dernières années, ne deviennent des coutumes pour les nouvelles générations. En effet, la loi ne se contente pas de réglementer les coutumes : elle promeut les mentalités et les coutumes.

À plusieurs reprises, le Saint-Siège a attiré l’attention sur de nouvelles formes de pauvreté, qui se traduisent par des attitudes négatives, voire indifférentes, à l’égard de la vie humaine et de la famille. Il s’agit de pauvretés morales profondes qui, sur le plan social, ne génèrent pas le même élan de solidarité. Les personnes sont ainsi abandonnées à une solitude qui les empêchent d’être génératives. Dans ce sens, permettez-moi de dire que la question de la famille est décisive pour nos sociétés aujourd’hui. C’est la question structurelle qui sous-tend de nombreux problèmes des pays les plus avancés. Le processus de dénucléarisation de la famille, c’est-à-dire la disparition progressive d’un noyau familial solide et stable, et le processus de pulvérisation de la famille (augmentation du nombre de familles unipersonnelles et donc réduction du nombre de membres par famille), dénoncés par les sociologues et les démographes, nous obligent à nous engager résolument à soutenir la formation et la stabilité des familles, à travers des interventions clairvoyantes et appropriées visant à promouvoir et à protéger la paternité et la maternité. Nous avons besoin de politiques favorables aux mères (mother-friendly), mais aussi de politiques favorables aux familles (family-friendly), qui tiennent compte du fait que la décision d’avoir des enfants n’est pas seulement le fruit d’un choix individuel, mais aussi d’un choix relationnel et de couple. Il est nécessaire de mettre l’accent sur les relations, sur les enfants et leur condition en tant qu’enfants, sur leur besoin d’avoir des conditions favorables et stables de vie familiale, de santé, de développement et d’éducation. Par conséquent, il ne s’agit pas seulement d’interventions en faveur des familles en situation extrême (pauvreté, conflits, violence) – qui restent certes urgentes -, mais aussi d’interventions préventives et promotionnelles en faveur de la famille et de la natalité. C’est seulement ainsi que l’on peut promouvoir un authentique développement humain intégral. Si l’on y réfléchit bien, on se rend compte que le grand problème démographique, lié à la baisse de la natalité et la peur des familles d’aujourd’hui de s’ouvrir à la vie, est avant tout un problème anthropologique, dans ce sens qu’il est lié à la vision que nous avons de
la personne, des relations familiales, de la maternité et de la paternité. Nous devons redonner de la
solidité et de l’intégrité à la famille, car ce n’est que dans l’espace familial qu’il sera possible, à terme,
de réduire ce que l’on appelle l’écart de fécondité, c’est-à-dire la différence entre le nombre d’enfants
désiré et le nombre d’enfants réel. De nombreuses études constatent que le désir d’enfant reste encore
présent chez les jeunes aujourd’hui, mais celui-ci ne coïncide pas toujours avec un désir de famille,
de mariage, et encore moins coïncide-t-il avec la capacité de comprendre la valeur profondément
anthropologique de la générativité du couple.

Le rythme de travail intense et compétitif, le coût du logement et de l’éducation, l’inégalité entre les sexes liée au monde du travail sont parmi les causes immédiates de la baisse de natalité, mais la véritable cause lointaine réside dans la manière différente de concevoir le mariage et la famille dans nos sociétés contemporaines. Nous avons donc besoin d’une vision holistique et partagée de l’homme et de la famille, accueillante envers la vie humaine, mais aussi des politiques et des interventions capables de redonner aux jeunes la confiance dans l’avenir, afin qu’ils croient au principe famille et que celle-ci continue à être un moteur qui génère le bien commun. Voilà la vision sur laquelle nous devons travailler.

À cet égard, parce que nous voulons justement chercher ensemble des solutions transformatrices de la réalité, permettez-moi de mentionner un grand projet que notre Dicastère développe depuis cette année dans le monde en vue de la formation de tous ceux qui, comme vous, souhaitent collaborer à la mission de l’Église pour la famille : le Family Global Compact.4

Ce Pacte a été voulu et promu par le Pape François pour relancer une collaboration plus décisive entre la pastorale familiale des Églises particulières et les Instituts universitaires pour la famille dans les universités catholiques du monde entier. La pastorale et la réflexion académique doivent travailler en synergie. Et ce, pour deux raisons. D’une part, parce que nous devons veiller à ce que la pastorale familiale puisse profiter plus efficacement des résultats de la recherche et du potentiel didactique et formatif des universités. En effet, d’où naissent la culture et notre façon de penser le monde si ce n’est dans les universités où se forgent l’esprit et le cœur des étudiants, ceux qui seront un jour des familles et qui dirigeront la société de demain avec responsabilité ? D’autre part, il est nécessaire que le travail universitaire forme les futurs décideurs de la société de demain à une pensée critique, mais résolument chrétienne.

Notre Dicastère, en collaboration avec l’Académie Pontificale des Sciences Sociales, a ainsi préparé un texte, disponible en ligne, qui est le fruit d’une recherche approfondie à laquelle ont participé plus de 70 universités. Ce document met en évidence un certain nombre de domaines d’étude et de sujets qui doivent être affrontés avec une certaine urgence parce qu’ils constituent de véritables “vides de compétence”, où un travail plus généreux est nécessaire pour soutenir la pastorale. Le meilleur moyen de le faire consiste à mettre en réseau les Instituts pour la famille des universités qui s’inspirent de la Doctrine Sociale de l’Église et le monde de la pastorale familiale. Donc, un réseau qui intègre aussi les réalités territoriales qui peuvent alimenter la réflexion académique avec leur expérience directe du monde de la famille. Le travail des universités locales sert à maintenir le contact avec le territoire pour en saisir les provocations dans le dialogue avec les Églises locales. Le récent Rapport de synthèse du Synode abonde dans le même sens lui aussi : “La Doctrine Sociale de l’Église est une ressource trop peu connue, dans laquelle il faut investir à nouveau. Les Églises locales devraient s’engager non seulement à mieux faire connaître son contenu, mais à favoriser son appropriation par des pratiques qui mettent en œuvre son inspiration.”5

Comme l’a écrit le Pape dans le message de lancement du Pacte : “Nous ne pouvons pas être indifférents à l’avenir de la famille, […] alliance irremplaçable et indissoluble entre l’homme et la femme, lieu de rencontre entre les générations […]. La famille, rappelons-le, a un effet positif sur tous, car elle est génératrice du bien commun : les bonnes relations familiales représentent une richesse irremplaçable non seulement pour les époux et les enfants, mais pour toute la communauté ecclésiale et civile.”6

Je vous encourage donc à lire le Pacte et à contribuer, autant que possible, à la diffusion d’une pensée globale et intégrale sur la famille, respectueuse de ce qu’elle est selon l’anthropologie chrétienne.

Lorsque je vous regarde de l’extérieur, ce que je vois c’est la force de la solidarité entre les familles qui jaillit de vos réseaux ; je pense à la générativité que vous produisez en termes de biens relationnels et de bien commun, parce qu’avec vos associations vous ne mettez pas les individus les uns à côté des autres en les additionnant, mais vous créez un “système famille” qui multiplie les potentialités de chacun.

J’espère qu’avec le temps votre témoignage réussira aussi à impliquer toutes ces familles qui sont encore isolées, celles qui ne connaissent pas encore vos associations, celles qui se sentent seules face aux milliers de problèmes quotidiens de nos vies complexes. Aucune famille n’est plus fragile que celle qui pense n’avoir pas besoin d’aide et de n’avoir rien à partager avec les autres. Vous avez un trésor entre vos mains : continuez à le partager avec la joie de ceux qui savent qu’ils portent Dieu en eux, c’est-à-dire avec enthousiasme (én-theos). Et faites-le avec deux motivations fortes : apporter le Christ aux familles et rester fermement dans l’Église à travers votre vie authentiquement chrétienne.

Merci pour votre attention et bon travail.

 

1 XVI ASSEMBLEA GENERALE ORDINARIA DEL SINODO DEI VESCOVI, Prima Sessione (4-29 ottobre 2023),
Relazione di Sintesi, Una Chiesa Sinodale in Missione, 28 ottobre 2023.
2 « Les fidèles du Christ sont ceux qui, en tant qu’incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu
et qui, pour cette raison, faits participants à leur manière à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, sont
appelés à exercer, chacun selon sa condition propre, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu’elle l’accomplisse
dans le monde. » CODE DE DROIT CANONIQUE, Can. 204 – § 1 CIC 1983.
3 https://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/family/documents/rc_pc_family_doc_19831022_familyrights-abbrev_fr.html

4 https://familyglobalcompact.org/

5 XVI ASSEMBLEA GENERALE ORDINARIA DEL SINODO DEI VESCOVI, Prima Sessione (4-29 ottobre 2023),
Relazione di Sintesi, Una Chiesa Sinodale in Missione, 28 ottobre 2023, I, 4, n).
6 https://familyglobalcompact.org/#single/0

Partager cet article
Actualités

Ces articles peuvent vous intéresser

Education : quelques conseils puisés dans Amoris laetitia
Le mariage : un engagement fort ?