22/03/2022

L’heure du vote : l’éclairage de l’Église

Les points de repère dans les textes de l’Église quand à la responsabilité des chrétiens en politique et le mot du conseiller ecclésiastique.

Ce qu’en dit la Doctrine sociale de l’Église

Les chrétiens sur une ligne de crête

Dans son Magistère récent, l’Église offre quelques points de repère quant à la responsabilité des chrétiens en politique. Entre vérité et principe de réalité, ceux-ci sont sur une ligne de crête de plus en plus étroite.

Engagé dans la cité, le chrétien l’a toujours été, rappelait le Vatican en 2002 dans une note doctrinale* devenue fameuse pour avoir établi une série de points d’attention, dits « non négociables » (cf. Zoom ci-dessous). Il résulte de cet enseignement fondamental du Concile Vatican II que « les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la “politique”, à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun » (§1). Selon le Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, « La personne humaine est le fondement et la fin de la communauté politique. » (§384)

Or les chrétiens se retrouvent aujourd’hui sur une ligne de crête, du fait des « graves dangers vers lesquels certaines tendances culturelles voudraient orienter les législations ». La Note pointe ici « un certain relativisme culturel » tout à fait dangereux : « L’histoire du XXe siècle suffit à montrer que les citoyens qui ont raison sont ceux qui jugent totalement fausse la thèse relativiste selon laquelle il n’existe pas une norme morale enracinée dans la nature même de l’homme, au jugement de laquelle doit se soumettre toute conception de l’homme, du bien commun et de l’État. » (§2)

Face à ces programmes en contradiction avec sa foi, comment le chrétien peut-il s’exprimer ? « La réalisation concrète et la diversité des circonstances engendrent généralement une pluralité  d’orientations et de solutions, qui doivent toutefois être moralement acceptables. Il n’appartient pas à l’Église de formuler des solutions concrètes – et encore moins des solutions uniques – pour des questions temporelles que Dieu a laissées au jugement libre et responsable de chacun » (§3). Toutefois, « la conscience chrétienne bien formée ne permet à personne d’encourager par son vote la mise en œuvre d’un programme politique ou d’une loi dans lesquels le contenu fondamental de la foi et de la morale serait évincé par la présentation de propositions différentes de ce contenu
ou opposées à lui. » (§5)

Plus récemment, dans Fratelli Tutti, le pape François appelle au dialogue, celui-ci étant à ses yeux, « dans notre société pluraliste […] le chemin le plus adéquat pour parvenir à reconnaître ce qui doit toujours être affirmé et respecté, au-delà du consensus de circonstance. » Un dialogue qui ne cède rien au relativisme :
« Nous parlons d’un dialogue qui a besoin d’être enrichi et éclairé par des justifications, des arguments rationnels, des perspectives différentes, par des apports provenant de divers savoirs et points de vue, un dialogue qui n’exclut pas la conviction qu’il est possible de parvenir à certaines vérités élémentaires qui doivent ou devraient être toujours soutenues. Accepter qu’existent des valeurs permanentes, même s’il n’est pas toujours facile de les connaître, donne solidité et stabilité à une éthique sociale. Même lorsque nous les avons reconnues et acceptées grâce au dialogue et au consensus, nous voyons que ces valeurs fondamentales sont au-dessus de tout consensus ; nous les reconnaissons comme des valeurs qui transcendent nos contextes et qui ne sont jamais négociables. »

 

* Congrégation pour la doctrine de la foi, “Note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique.

Zoom

Certains points sont-ils non-négociables ?

« Protection de la vie de la conception à son terme naturel, défense de la famille fondée sur le mariage homme-femme et la filiation biologique, liberté d’éducation et protection sociale des mineurs, libération des victimes de l’esclavage moderne, promotion d’une économie au service de la personne et du bien commun, recherche et maintien de la paix… ». En 2002, dans une note* publiée par la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Ratzinger dressait ainsi une liste de « principes éthiques » qui ne sont pas « négociables », et qui doivent encadrer l’engagement et le comportement des chrétiens en politique.

En 2007, devenu Benoît XVI, il cite à nouveau, dans l’encyclique Sacramentum Caritatis, « le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle […] la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d’éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes » comme des principes s’imposant aux « hommes politiques et [aux] législateurs catholiques ». Aux yeux du pape, « ces valeurs ne sont pas négociables ».

* Congrégation pour la doctrine de la foi, “Note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique.”

Le billet spirituel

Voter juste

J’étais jadis un minuscule conseiller du président de la République. C’était singulier : un dominicain dans les couloirs de l’Élysée… Je me souviens d’un mot de Nicolas Sarkozy : « Père Philippe, l’art de gouverner, c’est l’art du consensus. » Parmi les critères qui s’imposent à nous pour choisir, non pas le parfait mais le meilleur ou la meilleure président(e) de la République – intégrité, autorité, courage, perspectives audacieuses, souci des plus petits, soutien de la famille – la capacité à chercher ce qui réunit, ce qui rassemble, l’art du consensus peut s’ajouter à la liste des qualités requises pour ce poste éminent au service du bien commun.

Pour les chrétiens, dans l’Église, le consensus s’appelle « communion ». Rêvons donc : quel(le) candidat(e) sera demain capable de créer la communion dans la nation grâce à des projets qui mobilisent et qui en vaillent la peine ; le meneur ou la meneuse qui réussira l’union sacrée ?

Notre prière monte vers sainte Jeanne d’Arc, sainte Thérèse de Lisieux et la vierge Marie, saintes patronnes de la France, pour qu’elles suscitent, révèlent et inspirent dans notre peuple cette femme ou cet homme de communion.

 

P. Philippe Verdin, conseiller ecclésiastique de la CNAFC

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